L’accord récemment signé par La Poste secoue tout un pan du commerce français. Derrière une alliance présentée comme logistique, certains voient déjà l’ouverture d’un boulevard à une puissance étrangère dont l’appétit inquiète. Entre promesse d’efficacité et menace pour l’économie locale, le partenariat soulève une question brûlante : jusqu’où La Poste peut-elle aller sans trahir sa mission publique ?
Pourquoi La Poste offre un levier inédit aux vendeurs chinois
Signé mi-octobre 2025, l’accord-cadre Colissimo permet à Temu d’utiliser livraison, entreposage et préparation de commandes, affirme jeuxvideo.com. Le protocole inclut un service « Local-to-Local » pour vendeurs français, avec collecte, domicile, relais, consigne et retours. Objectif affiché : une expédition de bout en bout, fluide, donc compétitive, pour des vendeurs présents sur la marketplace.
L’opérateur met aussi ses plateformes logistiques à disposition, car l’accélération des délais faisait défaut aux acteurs chinois. Le dernier kilomètre entre dans le périmètre, tandis que des options premium se préparent. Livraison express le lendemain, voire le jour même en région parisienne, figure au menu. La Poste vise à consolider son activité colis.
L’entreprise reste publique : 66 % Caisse des dépôts, 34 % État. La lettre ne pèse plus que 15 % du chiffre d’affaires. Pour les fédérations, c’est une trahison. « La Poste ne peut pas être le cheval de Troie de Temu », préviennent Yohann Petiot (Alliance du commerce) et Antoine Peters (Procos). Ils dénoncent une concurrence faussée et un risque systémique.
Quand la croissance heurte La Poste et la sécurité des produits
Bruxelles a épinglé Temu en juillet 2025 pour non-respect du DSA. La Commission reproche une évaluation lacunaire des risques liés aux produits illégaux. Les jouets pour bébés et les petits électroniques hors normes inquiètent. Le commissaire à la Justice, Michael McGrath, s’est dit « choqué » par la dangerosité chez Shein et Temu.
Les chiffres s’envolent : 16 millions d’utilisateurs actifs mensuels en France, soit +19,4 % au premier semestre 2025. La part de marché est passée de 8 % en 2023 à 19 % en 2025, après 129 % de croissance en 2024. Avec Shein, ces flux pèsent 22 % des colis gérés par La Poste, soit un point de plus qu’Amazon.
La qualité déraille : 94 % des produits venant des plateformes chinoises, contrôlés à Roissy, sont non conformes. 66 % sont dangereux. En Belgique, Test-Achats a testé 28 articles : aucun conforme. Le marquage CE manque ou est contrefait. Le VDE a relevé multiprises fondant des câbles, tronçonneuse sans sécurité, fer à boucler moitié puissance. Sur 19 jouets, 18 présentaient des risques graves.
Des règles douanières et postales qui faussent tout le jeu
Le modèle gagne grâce à l’exemption de droits sous 150 €. La majorité des ventes passe par ce seuil. En 2024, 775 millions d’articles sont entrés via la procédure H7, qui simplifie les déclarations douanières. L’avantage prix se cumule avec la vitesse, donc l’attrait, pour des consommateurs sensibles au coût.
La Convention de l’Union postale universelle date de 1875 et classe encore la Chine comme « pays en développement ». Les tarifs préférentiels en découlent. Résultat : une PME française paie plus cher en domestique que Temu depuis la Chine. La Commission évoque quatre milliards de colis chinois arrivés en Europe en 2024, sans taxes. Un vendeur français avec 94 % non conformes et 66 % dangereux serait fermé aussitôt.
Le budget 2026 prévoit deux euros par colis de faible valeur, pour 1,6 milliard d’euros annuels. Les fédérations jugent la mesure insuffisante et pointent un double discours. Elles exigent droits de douane sous 150 €, frais de gestion européens, contrôles et sanctions renforcés, et dénonciation de la convention postale. Elles demandent parfois le déréférencement de Temu, Shein et AliExpress, comme Wish. Le partenariat via La Poste aggrave le malaise.
Ce choix public révèle des urgences économiques et politiques
Le pays doit protéger le commerce local, appliquer des normes strictes et assainir les flux. La révision des règles douanières et postales s’impose, tandis que l’Europe doit harmoniser contrôles et sanctions. La Poste doit garantir transparence et sécurité, car les chiffres et incidents l’exigent. Sans cap clair, la vacance commerciale déjà à 11 % (17 % en galeries) s’aggravera.